La Chapelle de Sainte-Marie-l’Egyptienne, rue de la Jussienne

Cette chapelle située dans la rue Montmartre, à l’angle septentrional de la rue de la Jussienne (n°25), existait, à ce qu’il paraît, sous le règne de saint Louis. Sauval croit même que les Augustins établis vers le milieu du XIIIème siècle, à l’extrémité orientale de la rue des Vieux-Augustins, et dont le couvent s’étendait jusqu’à la rue de la Jussienne, se servaient de l’oratoire de Sainte-Marie-l’Egyptienne pour chapelle. Si elle n’existait pas alors, comme le pensent quelques auteurs [1], cette église dut être construite peu après. Toutefois, le plus ancien titre qui le désigne d’une manière positive, n’est que de 1372 ; elle est appelée dans l’acte chapelle de Quoque-Héron. Des titres postérieurs la nomment la chapelle de l’Egyptienne ou de Coq-Héron, l’église de l’Egyptienne de Blois ; on la trouve également désignée sous le nom de la Gipecienne [2], le peuple, par abréviation et corruption du mot, s’accoutuma à l’appeler la Jussienne. L’origine de la dénomination de cette église n’est point, comme Lebeuf conjecture [3] , que la chapelle avait pu servir de lieu de retraite à une femme de Blois qui s’y serait renfermée pour faire pénitence de « la vie errante et aventureuse des Egyptiens ou Bohémiens, ou bien à une autre de ces Egyptiennes qui se disaient condamnées à faire des pèlerinages par pénitence et par mortification, et qui se serait renfermée près de cette chapelle, pour y finir ses jours à l’imitation de sainte Marie-l’Egyptienne. » Les recherches de Pasquier, que cite Lebeuf, ne favorisent point son opinion, car les Egyptiens ou Bohémiens dont il s’agit ne vinrent à Paris que dans l’année 1429, et la chapelle de l’Egyptienne existait sous ce nom au moins cinquante ans avant cette époque [4]. Cette maison religieuse était desservie par deux chapelains, et il est à remarquer que l’un était à la nomination du chapitre de Blois, et l’autre à la nomination de celui de Paris. Cette singularité ne peut s’expliquer qu’en supposant que deux chanoines de cette église, ou bien un particulier, chanoine dans les deux, l’auraient dotée ou fait construire. Le vitrail de la chapelle situé au-dessus de l’autel représentait saint Christophe et saint Nicolas ; sur les vitraux de la nef, des deux côtés, avaient été peints, sous François Ier environ, les principaux traits de la vie de Sainte-Marie l’Egyptienne. On remarquait le vitrail où Marie, non encore convertie, n’ayant point dans une circonstance de quoi payer son passage à un batelier, se détermina à prostituer son corps à celui qui voudrait payer pour elle. Au-dessous était écrit en légende : Comment la sainte offrit son corps au batelier pour son passage. Marie était représentée assise dans le bateau et retroussant sa robe jusqu’aux genoux. En 1660, le curé de Saint-Germain-l’Auxerrois, de qui dépendait la chapelle de Sainte-Marie-l’Egyptienne, fit changer ce vitrail dont l’expression trop naïve contrastait avec la sainteté du lieu. La chapelle de Sainte-Marie-l’Egyptienne servait au corps et communauté des marchands drapiers de Paris qui y faisaient célébrer une messe les dimanches et les fêtes. On lisait sur un vitrail l’inscription suivante : Les drapiers, gouverneurs de ce lieu, ont réparé cette chapelle. Cette église fut démolie vers 1792 ; sur son emplacement est maintenant une maison particulière.
Nouvelle histoire de Paris et de ses environs — Jules de Gaulle, Nodier — 1839 La Chapelle de Sainte-Marie-l’Egyptienne

Notes

[1] Jaillot, t. II, p. 34, quartier Saint-Eustacbe. [2] Censier de l’évêché, 1489 [3] T. I, p. 104. [4] Jaillot, ibid.