A Droite
après la rue de Lourcine [12] :
De l’Isle, avec un tanneur pour locataire.
Baronne de Beauvais, item.
M. M. de l’église Saint-Marcel, ayant un meunier pour fermier.
Osmout, mégissier, au coin de la rue Saint-Hippolyte.
Ramet, brasseur, au coin de la rue Pierre-Assis.
Uzé, brasseur.
Boscour, bourgeois.
Longchamp, ayant pour locataire un brasseur, au coin de la rue de Bièvre, autrement dite des Gobelins, et vis-à-vis la rue de la Reine-Blanche.
Lebrun.
Cousin, brasseur.
Les Gobelins, à l’angle de la rue Croulebarbe.
Rigault, bourgeois.
Ramé, brasseur, avec un jardinier pour locataire.
Veuve Guedet.
Dubois.
Berda, carrier
Blondeau.
Véron, à l’angle du chemin du Moulin des-Près [13].
Notice écrite en 1861. La rue Mouffetard n’était pas encore aux prises avec le monstre de la démolition forcée. Aujourd’hui cette rue finit à la hauteur de l’église Saint-Médard, où l’élargissement de la rue Censier, le prolongement de la rue des Feuillantines et de la rue de l’Abbé-de-l’Epée et la nouvelle rue Monge se sont fait jour. La nouvelle avenue des Gobelins absorbe tout le reste de la rue Mouffetard, où elle n’a laissé debout, pour se les appliquer, que la manufacture des Gobelins et quelques maisons venant ensuite.
Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, par l’historiographe Lefeuve - Tome second - 1873
Charles Lefeuve : Paris rue par rue, maison par maison - 1875
Notre-Dame et les paroisses de Paris au XIIIe siècle
Les zoniers - Photographies d’Atget sur Gallica
Le quartier de la rue Mouffetard par l’historiographe Lefeuve – 1861
L’une des Odeurs de Paris
Qui devinerait que les savants officiels font dériver le mot Mouffetard de Mons Cetarius ? De traduction en corruption, le mont Cétard aurait fait, à leur sens, appeler Mouffetard un chemin qui le traversait en dehors de l’enceinte de Philippe-Auguste, et où s’élevait l’église Saint-Marcel. A ce compte, la Bièvre, les tanneries et les dépôts de gadoue n’auraient exhalé que postérieurement le long de ce chemin l’odeur désagréable et pernicieuse qui a fait dire : quelle mouffette, quelle mofette ! Les tanneurs et les gadouards, ces prédécesseurs des compagnies Domange et Richer, ne sont-ils pas en cela les parrains de la rue ? Sa population toujours croissante l’a assainie, au cœur du faubourg Saint-Marceau, sans qu’il y ait encore moyen de prendre ses odeurs particulières pour des parfums.
Les Églises
L’église, bâtie au XIème siècle sur les ruines d’une chapelle attenante au cimetière de l’évêché de Paris, avait été le lieu de sépulture de l’évêque saint Marcel, mort en l’an 436, dont la châsse, à l’époque des incursions normandes, avait été portée à l’église métropolitaine. L’évêque de Paris était le seigneur temporel du bourg de Saint-Marcel, comme aussi de bien d’autres fiefs et d’une bonne portion de la Cité ; il avait sous sa dépendance directe les églises collégiales de Saint-Marcel, de Sainte-Opportune et de Saint-Honoré, qui étaient dites les Filles de l’Évêque, tandis que les églises Saint-Merri, du Saint-Sépulcre, Saint-Benoît et Saint-Etienne-des-Grès, comme relevant du chapitre métropolitain, étaient Filles de Notre-Dame. Aussi bien les chanoines de Saint-Marcel exerçaient dans le bourg une juridiction qui empiétait sur le faubourg Saint-Jacques et sur la montagne Saint-Hilaire, dont l’église voyait sa cure à la nomination audit chapitre. Leur justice capitulaire se rattacha à celle du Châtelet en 1674 ; mais Colonne Dulac obtint, en 1725, que le chapitre conservât haute justice dans toute l’étendue du cloître, où avaient séjourné plusieurs évêques de Paris, et moyenne justice dans toute la seigneurie. Le bailliage, dont les audiences ne se tenaient pas à jour fixe, était près de la collégiale, et par conséquent dans le cloître, duquel dépendaient et l’église Saint-Martin, sise place de la Collégiale [1], et le marché aux Chevaux. Le séminaire de Saint-Marcel, établi par Sanciergues, diacre, avec la permission de M. de Harlay, archevêque de Paris, confirmée par M. de Noailles, recevait des jeunes gens se destinant à la prêtrise, mais sortant des collèges et qui payaient pension. L’église, supprimée par la Révolution et convertie en maison particulière au commencement de l’Empire, faisait face rue Mouffetard à la rue Pierre-Assis [2] : on en revoit des tronçons de colonnes exposés dans la cour du palais des Beaux-Arts. Le nom de cette église est gardé par une rue, parallèle à une autre rue qui rappelle Pierre Lombard, le maître des sentences, enterré au milieu du chœur en l’année 1164.
La rue Saint-Hippolyte [3], qui donne rue Pierre-Assis, mais qui a fait coude pour donner aussi rue Mouffetard, consacre pareillement le souvenir d’une église : celle-là édifiée en 1158, et dont les bâtiments furent aliénés en 1793.
Le Pont-aux-Tripes - Les deux Bourgs - Les Boucheries
Quant au bourg Saint-Médard, il faisait trait-d’union entre le bourg Saint-Marcel et la ville. Le territoire de ces deux anciens bourgs était encore distinct sous le règne de Louis XV, en ce que la rue Mouffetard prenait la dénomination de rue du Faubourg-Saint-Marcel au Pont-aux-Tripes. On appela Pont-aux-Tripes, et aussi Pont-aux-Biches, l’emplacement compris entre les rues Censier et du Fer-à-Moulin, ainsi qu’une ruelle y débouchant. Ce nom provenait évidemment d’un petit pont à cheval sur la Bièvre. Le plan de 1714 marquait précisément une boucherie en cet endroit ; toutefois six autres étaux avaient été placés, un demi siècle auparavant, moins près de la rue d’Orléans [4] que de la rue de l’Epée-de-Bois, et la boucherie dite des Carneaux attenait à une maison à l’enseigne de l’Empereur-Charles, Carolus-Imperator, dont le jardin donnait rue des Postes [5]
De beaux hôtels et jusqu’à des palais avaient fait contraste avec les maisons pauvres de l’un et de l’autre bourg. Le séjour d’une reine Blanche, qui n’était pourtant pas la mère de saint Louis ; un superbe logis d’Orléans, l’hôtel Scipion et l’hôtel de Clamart laissent encore des souvenirs et des traces de splendeur au quartier le plus misérable de la grand’ville, dernier refuge de la cour des Miracles.
Les Enseignes
Les enseignes, ce livre dans lequel chaque maison eut son alinéa et qui se tira à tant d’éditions, restent maintenant un ouvrage incomplet. Ce qu’il y manque de pages fait peine à voir quand on pense que l’esprit français y a revêtu à coup sûr sa forme la plus populaire. Oh ! s’il était possible d’en retrouver un exemplaire complet, de n’importe quelle année, combien de grands et petits employés, dans les bibliothèques publiques, brûleraient de l’accaparer, pour s’en servir avant tout le monde ! Pas un sujet traité par le ciseau, en saillie ou en creux ; pas une peinture sur le bois ou la tôle, plaquée contre le mur, arborée ou pendue, fixe ou se brimbalant au vent, pas une légende enfin qui n’eût sa raison d’être, toujours sautant aux yeux, ou son secret, curieux à pénétrer ! Aussi ne regardons-nous pas comme un oiseux rappel d’évoquer les enseignes que la rue Mouffetard brandissait au milieu du siècle XVII :
Le Tabac-Fleury. — La Véronique. — Les Trois-Torches. — Les Trois-Saulcières. — Le Renard-Bardé — Les Rats Gouleux. — Les Quinze-Vingts. — Les Quatre-Fils-Emond. — Les Quatre-Evangélistes. — Les Quatre-Termes. — Les Trois-Pucelles. — La Petite-Arbalète. — Le Porc-Épi. — Les Trois-Poissons. — Le Grand-Saint-Joseph. — Le Pont-aux-Tripes. — La Pomme-de-Pin. — Le Pot-d’Etain. — Les Trois-Pigeons — La Ville-de-Patay. — Le Puits-Rouge-Virginal. — Le Petit-Paradis. — I.e Poing-d’Or-et-la-Main- d’Argent. — La Pantoufle. — Le Petit-Monde. — Le Petit-Trou. — La Pie. — Le Pied-de-Biche. — Le Plat-d’Argent. — Le Plat-d’Etain. — Les Pastoureaux. — Les Patriarches. — Le Paradis-Terrestre. — La Mère-Dieu. — La Lune — Les Lunettes. — Le Loup. — La Levrette. — L’Escouvette. — Le Jardin-Saint-Jean. — Jardin-la-Villette. — L’Image-Saint-Marcel-et-Sainte-Geneviefve. — La Patère. — L’Image-Saint-Etienne et-Saint-Marcel. — La Hure-de-Sanglier. — L’Hôtel-du-Renard. ---Le Heaume.— Le Bon-Haran. — Les Trois-Haches. — Le Gay. — La Grosse-Armée. — La Gibecière. Le Moulin. — La Chaire-Saint-Pierre. — Le Faucheur. — L’Escu-de-Milan. — L’Escu-d’Orléans. — L’Escu-de-France. — La Souris. — L’Escu-d’Escosse. — L’Escu-de-Bretagne. — Les Trois Déesses. — Le Château-Saint-Ange. — La Croix-de-Jérusalem. — La Croix-Blanche. — Le Cœur-Royal. — Cour-d’Albiac. — Saint-Cosme-et-Saint-Damien. — Les Trois-Coulombes. — Le Cygne-de-la-Croix. — Le Castor-Blanc. — Le Cavalier-François. — Cbàteau-Landon. — Le Chapeau-Rouge. — Le Chaudron.— Le Chevalier-au-Cygne. — Les Armes-de-la-Ville. — Les Deux-Anges. — L’Arbalètre. — L’Arbre-de-Vie. — L’Agnus-Dei. — Les Trois-Barbeaux. — Sainte-Bénigne. — La Bergerie.— La Bonne Eau. — La Cage.— La Callebasse. — Le Carolus. — Les Carneaux. — Le Chat-qui-Dort.
Le royal Séjour — Les Patriarches — Les Canaye
Le cardinal Bertrand de Chanac, patriarche de Jérusalem, puis Guillaume de Chanac, eurent au XIVème siècle dans la rue Mouffetard un hôtel, avec des maisons groupées autour ; une portion de celle vaste propriété, notamment une maison dite du Patriarche, passa au collège de Chanac, fondation due à cette famille. Les écoliers bénéficiaires n’habitèrent pourtant pas la rue. L’ancien hôtel Chanac restait celui des Patriarches ; il fut au siècle suivant saisi réellement par les seigneurs abbé et religieux de Sainte-Geneviève sur Jean de Crémans, patriarche d’Alexandrie, lequel y avait succèdé à Jean Favier. Thibaut Canaye, teinturier comme Jean Gobelin, acquit de l’abbaye Sainte-Geneviève le manoir du Patriarche, que Jean Canaye laissa ensuite à François Canaye, puis François à un maître des comptes du même nom que son prédécesseur.
Non-seulement cette famille entra dans la Réforme, mais encore un des corps de bâtiment de sa maison devint, au commencement des guerres de religion, l’une des écuries de la vache à Colas. Un ministre calviniste y prêchait, en l’année 1561, et le prêche fut interrompu par un carillon si bruyant que la voix de Stentor en eût été couverte : cette contre-protestation, qui soudain imposait silence aux disciples de Calvin, descendait avec un fracas inusité du clocher de l’église voisine. Aucun sonneur n’avait encore lancé à de pareilles volées les cloches de Saint-Médard. Les religionnaires de croire que le curé et bon nombre de paroissiens prêtaient main-forte à ce carillonneur. Mais ils se ruèrent dans l’église presque vide, et une résistance trop faible ne s’opposa qu’en pure perte aux dévastations sacrilèges dont ils se rendirent coupables. Avant peu justice en fut faite par des représailles rigoureuses : quelques-uns des violateurs furent pendus vis-à-vis de l’église, et leurs biens employés à la réparation du dommage matériel. De plus, le connétable fit raser le corps de logis où le prêche s’était tenu, et une procession à Saint-Médard fut ordonnée trois mois après, cérémonie expiatoire.
Philippe de Canaye, sieur de Fresnes, avait été élevé dans le calvinisme ; il se convertit au catholicisme et devint ambassadeur, sous Henri IV, après avoir été conseiller d’État sous le règne précédent. Les six corps de logis, le grand jardin et les dépendances de l’ancien séjour des Patriarches appartenaient en 1660 à Jacques de Canaye, en 1698 à Etienne de Canaye et en 1761 à son homonyme, prêtre, académicien-vétéran. Mais le maréchal de Biron, sous Louis XVI, était propriétaire de cette maison à grande cour, où il y avait marché le mercredi et le vendredi, et qui est demeurée marché des Patriarches, avec deux ouvertures sur la rue Mouffetard, du côté des chiffres impairs. En regard d’une de ces deux portes est le passage des Postes, où se prolonge ledit marché [6].
Les Dames-de-la-Miséricorde — L’Enlèvement
Plus bas, les filles de la Miséricorde-de-Jésus desservaient un hospice destiné à leur sexe : leur communauté, instituée à Gentilly en 1652, avait été transférée à Paris l’année suivante. A la mort du poète Scarron, sa veuve se retira pour quelque temps dans cet établissement religieux et hospitalier, en qualité de pensionnaire. Quand M. d’Argenson, lieutenant-de-police, procéda à l’agrandissement des bâtiments de la Miséricorde, n’était-ce pas en vue de faire sa cour à Mme de Maintenon ? On dit pourtant que cette attention du magistrat visait à racheter une faute, en payant comme la rançon d’une jolie novice, transfuge de fraîche date, qui remplaçait Mme de Tencin clans les affections de M. d’Argenson.
De telles transactions ne révoltent pas moins les fanatiques de la liberté individuelle que les puristes du sentiment religieux ; mais elles n’avaient lieu çà et là qu’à l’époque où la vie des femmes était un combat incessant entre l’amour de Dieu et l’autre amour, une alternative continuelle d’aspirations contraires, mais inégales, car Dieu l’emportait tôt et tard. Arrivait-il que le devoir se sacrifiât à la passion, et qu’une jeune fille, destinée au mariage ou à la profession religieuse, quittât furtivement la supérieure pour un amant ? on disait que la ruse triomphait de l’innocence, et la force de la faiblesse. Mais les enlèvements au couvent étaient plus difficiles à opérer qu’au sein de la famille, à moins que la victime et son exécré ravisseur ne fussent de complicité. Que de fois la novice ou la jeune pensionnaire, qui avait hésité, qui avait eu grand’peine à s’affranchir de toutes les entraves, en s’échappant des grilles d’une communauté, se sépara plus tard du monde avec beaucoup moins de regrets, en ne prenant conseil que d’elle-même, pour enfermer des remords, des chagrins éternels sous les verrous d’un cloître plus austère ! Presque toutes les femmes marquantes du grand siècle, après avoir pu comparer les désillusions précoces de l’amour aux déceptions mûries du mariage, renoncèrent au monde, elles aussi, elles surtout, beaucoup avant l’heure suprême : plus de la moitié de leurs vies se passa en moyenne au couvent.
Les Corps-de-Garde
De nos jours, le bal du Vieux-Chêne réunit la jeunesse dansante d’alentour au n° 39, qui appartenait aux dames de la Miséricorde. Mais beaucoup de leur territoire a été englobé par la caserne Mouffetard, bâtie sous la Restauration.
Un poste de gardes-françaises veillait en 1714 entre la rue Copeau [7] et celle d’Ablon, présentement Neuve-Saint-Médard. Une Compagnie de fusiliers de la même garde se trouvait casernée ensuite du côté opposé à l’église Saint-Marcel et quelque peu au-delà ; cette compagnie occupa, soit avant, soit après, le n° 86 dont un collège fut propriétaire. Une maison à l’image de la Fleur-de-Lys, puis de Saint-Pierre, appartenait en 1760 à Bardon, menuisier, dix ans plus tard au bourgeois Thibault, en 1770 à Meunier, menuisier, et en 1787 au tapissier Mala : vous la revoyez n° 195. Un corps-de-garde de pompiers, peu distant de l’impasse d’Andrelas [8], était sous le même toit qu’une manufacture de bonneterie, au moment de la Révolution.
Les Fabriques
D’autres fabriques s’échelonnaient sur le parcours de cette rue ouvrière. Moinery, manufacturier en drap et teinturier, prédécesseur de Vérité, avait été établi par arrêt du conseil, en date du 12 septembre 1775, dans une ancienne geôle restant d’un grand logis de la reine Blanche. La cour avait abandonné tout-à-coup le royal séjour, à cause d’un incendie qui avait éclaté au milieu d’une fête qu’on y donnait au jeune Charles VI. Et le moyen de ne pas garder souvenance d’un tel sinistre ! Il avait coûté la vie à plus- d’un seigneur et jeté dans la raison du prince les premiers troubles.
Lorsque ce château florissait, l’industrie suburbaine avait dû se ressentir, aux alentours, de la dérivation de la Bièvre, opérée au profit de l’abbaye Saint-Victor : de cette petite rivière la rue de Bièvre marque pour nous l’ancienne embouchure. Un moulin, indiqué plus tard auprès du Pont-aux-Tripes, était ancien sans doute et avait été mû par l’eau de la Bièvre.
La Manufacture des Gobelins
Jean Gobelin doit avoir fondé la célèbre manufacture, déjà florissante en l’année 1450, dans une maison que deux gros lions décorent, qui fut ensuite un cabaret de marque, et où se fabriquèrent postérieurement des mouchoirs de couleur, le n° 186. Un peu plus haut, dans le principe, était la Folie-Gobelin, qu’occupe encore la grande manufacture. La célèbre famille de ce nom avait sa sépulture à l’église Saint-Hippolyte. On sait que l’érection de l’établissement en manufacture royale date de Colbert, qui en confia la direction à l’illustre peintre Lebrun. Jean Gluck, directeur des Gobelins, acheta la propriété en 1667. Lefeuvre, qui était chef des ateliers de haute-lisse, contribua pour une forte part au perfectionnement du travail ; son exemple fut suivi par Jean Liansen, natif de Bruges, et par Laurent, qui le secondèrent. Pierre était directeur des Gobelins sous Louis XVI, et alors Lenfant et Juliard, peintres du roi, y travaillaient à demeure.
Le pourtour de l’établissement, à cette époque, était encore lieu de franchise pour les ouvriers sans maîtrise. La rue du Faubourg-Saint-Marcel, dont la seconde moitié avait aussi porté la dénomination de rue des Gobelins, commençait à s’appeler Mouffetard tout de son long. Ce qui n’empêchait pas la rue Gautier-Renaud, qui faisait suite, en commençant au coin de la rue Croulebarbe, de conserver encore sa désignation primitive.
Les Cabaretiers et les Brasseurs
Qui se douterait aujourd’hui que ce quartier des Gobelins fut une courtille, un groupe de cabarets en réputation, où les exhalaisons de la lèche-frite couvraient celles de la tannerie ? On y montait pour godailler ; la descente n’avait donc jamais lieu en bon ordre. Le faubourg Saint-Marcel avait sa Pomme-de-Pin, fameux bouchon, à l’angle de la rue Contrescarpe [9], et son Sabot, que fréquentait Ronsard, avant qu’un camp de la goinfrerie plantât de plus nombreuses tentes au-delà du Pont-aux-Tripes. Le vin et la bière y coulaient à flots, ainsi que pour cimenter, entre papistes et huguenots, un accord dont l’Edit de Nantes n’avait que jeté les fondements. Comme aussi François Colletet aimait à passer ce pont-là !
« Enfin voici les Gobelins
Où règnent les excellens vins
Et les bières délicieuses
Pour les beuveurs et les beuveuses,
Car il est des femmes aussi
Qui viennent s’égayer ici ;
Regarde que de lieux à boire,
El comme un chœur y fait sa gloire
De s’enyvrer gaillardement
Et de se saouler noblement ;
Icy sont petits corps de garde
Pour y rire avec la gaillarde,
Là sont les petits lieux d’honneur
Où s’en va tout bourgeois beuveur.
Les cabarets d’où l’on ne bouge,
C’est celuy de la Rose-Rouge,
Du Lion d’Or, du Mouton-Blanc,
Du Dauphin, où le vin est franc.
Du Juste, ou Flamens, Flameendes.
Allemans avec Allemandes
Et plusieurs autres Etrangers
S’embarquent sans aucuns dangers :
Icy l’on trouve toutes choses.
Et tout y flaire comme roses,
Les andouilles, les cervelas,
Les poulets et les chapons gras.
Les grillardes et les saucisses.
Dont le palais craint les épices,
Car mettant le palais en feu
On ne scaurait boire pour peu.
Cependant, afin de mieux boire
Et de mieux branler la mâchoire,
Moy-mème je m’en vais là-bas
Faire choix de quelques bons plats ;
Je scay comme l’on s’accomode,
Et quelle est d’icy la méthode.
Quand le marché d’abord est fait,
On n’a plus l’esprit inquiet.
Et l’on ne craint plus à sa honte
Que trop haut un écot ne monte.
Boy donc cependant que j’iray,
Et bien-tost je retourneray.
Autres Habitants ou Propriétaires
C’est à en faire venir l’eau à la bouche. Les Folies-Gobelin, ne le voyez-vous pas ? avaient de quoi inspirer un poète de cabaret. On s’y gorgeait plus tard de bière à la Brasserie-Française, dont l’enseigne remplaçait les Quatre-Evangélistes, à un angle de la rue de l’Arbalète, pour un logis à deux grands corps, avec jardin : le second angle portait ure Arbalète. Il parait même que quand les brocs de vin et les poêles à frire cessèrent d’être l’attrait principal à cette barrière de Paris, la bière n’y fit que plus largement ses orges. Elle moussait et faisait sauter elle-même ses bouchons près des Gobelins, en l’année 1724, chez des brasseurs que vous pouvez compter dans le relevé ci-dessous :
A Gauche
après la rue Censier :
Veuve Beauchamp, avant la rue du Fer à-Moulin.
Jubert, bourgeois, après la rue du Petit-Moine [10].
L’évesque, vitrier du roi.
Barre.
Moirensy, amidonnier.
Le cloître Saint-Marcel : une des maisons de notre rue qui en dépendent est louée à un laboureur.
Julienne, teinturier en grande réputation, après la rue de la Reine-Blanche
Anenne, brasseur.
Dame Foucault.
Veuve Fleury, marchande de vin.
Caffier.
Dame Chauson, chez laquelle est le bureau des entrées, au premier coin de la rue des Fossés-St-Marcel [11].
Théroult, avec un charron pour locataire.
Dame Bouvier, avec un fruitier pour locataire.
Ousseau ayant pour locataire un hôtelier, après la rue du Banquier.
Sandrier, avec un jardinier pour fermier.
Bricard.
Veuve Bessière, terrain exploité en carrière.
Les héritiers Hervier, avec un meunier pour fermier.
Barillier. menuisier.