Les sentiments d’un insurgé – 1848
Paroles de M. Apollinaire Catala, Ouvrier Menuisier
Air de ta Lionne, ou de Vive Paris
Mais pourquoi donc toutes ces barricades,
Pourquoi ces cris, ces lugubres tambours ;
Au loin, j’entends, j’entends les fusillades,
Et le canon démolir nos faubourgs.
Nous battre ainsi, quand nous sommes tous frères !
Loin de montrer tant d’inhumanité,
Secourons-nous et soyons tutélaires,
Voilà le but de la Fraternité !
Tous les ouvriers ne sont point communistes,
De dons si purs ne viennent qu’en naissant ;
Mais la plupart seraient socialistes,
Pour parvenir à vivre en travaillant,
Par ce moyen, élever leurs familles,
Les préserver des maux de l’avenir,
Et garantir leurs femmes et leurs filles
Du déshonneur, que votre or fait subir.
Sommes-nous nés pour mourir par les balles,
Répondez-nous, hommes du lendemain,
Représentants et gardes nationales,
Avons-nous tort de demander du pain ?
Grâce à Dieu, par l’auguste République,
Nous avions droit de vivre,
Et aujourd’hui par votre politique,
Lâches cent fois, pourquoi nous l’ôtez-vous !
Nous ne voulions jamais prendre les armes,
C’est malgré nous, et pressés par la faim,
Lorsque le pain dévoré par nos larmes,
Trop tôt, hélas ! avait touché sa fin,
Faites des lois pour que chacun travaille,
Et vous verrez, riches présomptueux,
Que le mortel que vous nommez canaille, ‘
Vous montrera le chemin vertueux.
Riche orgueilleux, qui, de notre clémence,
Naguère encore admirais la grandeur,
Pourquoi, dis-moi, réclames-tu vengeance
de nos actions, ou plutôt de la peur ?
Quand en Février nous eûmes la victoire,
Trop lâche, alors, tu nous tendais la main,
Et aujourd’hui, pour prix de notre gloire,
Nous sommes là, sans travail et sans pain.
Arrêtez donc vos balles homicides,
Vous, qui sans haine, vomissez la mort,
Détournez-les, elles sont fratricides,
Car la raison appartient au plus fort.
Ne craignez point le peu qu’il reste encore,
Bientôt, hélas, vous en verrez la fin.
Ils souffriront la faim qui dévore,
Et ils mourront faute d’avoir du pain.