Les voleuses de grands magasins – 1912

Un journal, Le Grand Illustré, du 30 décembre 1906, a donné un article fort intéressant sur les voleuses de grands magasins. Ce que cachent « les dessous d’une coquette ». Les moyens qui seraient employés par ces véritables artistes du vol sont si ingénieux et demandent une telle habileté qu’ils sont mis en doute par plusieurs personnes compétentes que nous avons vues. Ce n’est pas une raison pour que nous ne les fassions pas connaître à nos lecteurs. Les voici : 1° Un bloc de cire placé sous la semelle de bottine, près du talon. Ce bloc permet de fixer un petit objet volé. 2° Une petite pince placée sous le poignet permet de cueillir délicatement, sur la table, l’objet convoité. 3° Une jarretière munie de crochets sert à suspendre les objets fragiles : plumes, montre. 4° Un missel recéleur creux pour bracelets, bagues, broches, etc... 5° Un pied trop habile. Ayant donné à ses doigts de pieds une dextérité extraordinaire, la voleuse quitte, sans que personne puisse s’en apercevoir, l’escarpin verni dont elle est chaussée, et avec l’orteil rendu libre, grâce à son bas taillé en mitaine, elle ramène et le cache dans l’ourlet de sa robe, transformé en poche circulaire, les objets qu’elle avait préalablement fait tomber sur le sol. 6° Le truc de la nourrice. Elle cache l’objet dans une ouverture faite dans les langes, cachée par le manteau de l’enfant. Quelquefois la grande voleuse laisse tomber un coupon de vieille guipure dans l’intérieur d’un parapluie, non roulé, qu’elle tient devant elle ; parfois aussi, sous prétexte de fixer une épingle à chapeau mal piquée, elle introduit dans l’épaisseur de sa chevelure un bijou de valeur. Si habile soit-elle, elle tombe toujours, à un moment donné, dans les filets des inspecteurs qui, déjouent toutes ses ruses. Rien qu’à son allure. à son hésitation, à sa brusquerie dans l’accomplissement de l’acte, le surveillant voit, d’un coup d’oeil, à qui il a affaire : une professionnelle ou une occasionnelle. Un premier vol ayant réussi à cette dernière, elle en commet un second, et ainsi de suite, jusqu’ä ce qu’elle soit prise. Chez une voleuse de profession, on ne trouve jamais rien. Les perquisitions de la justice sont sèches. Il en est autrement chez les occasionnelles. Dans la majorité des cas, les voleuses ne sont pas les bonnes mères de famille qui se sont laissées tenter, mais des femmes du demi-monde dont l’intérieur désordonné rèvèle le désarroi de la conduite. Ménage pas fait, à quatre heures de l’après-midi, trace de festin de la veille : tout indique, à un œil exercé, les mœurs de la professionnelle du vol. Eugène Pottet - Histoire de Saint-Lazare (1122-1912) - 1912