L’an de grâce mil ccc quatrevins et onze, le mardi second jour de décembre, en jugement sur les quarreaux du Chastellet de Paris, par devant mons. le prevost, presens maistres Jehan Truquan, lieutenant dudit mons. le prevost, Ernoul de Villiers & Jehan Fouquere, examinateurs de par le roy nostre sire dudit Chastellet, fu faite venir & attainte des prisons dudit Chastellet, Marion de La Court, lingiere, fille de vie, prisonniere détenue oudit Chastellet à la requeste de Robert Biseau, frepier, demourant ès hales de Paris pour li porter garantie d’un hennap de madre à une bosse d’argent ou fons, lequel elle lui a vendu, icellui hennap poursuy par Mahiet Thorion, chappelier, demourant sur le quay près du Louvre, disant qu’il lui fu mal prins & emblé en son hostel, ouquel il fait taverne, mercredi derrenierement passé, de relevée, & lequel hennap a esté trouvé en la possession dudit frepier.
Laquele prisonniere sur ce jurée de dire vérité & autres choses qui lui seroient demandées, dit & afferma par son serement que vérité est que elle est femme joyeuse de vie & laquele de son corps fait à son povoir le plaisir des compaignons, & que en s’en alant par devant Saint Innocent mercredi derrenierement passé, ainsi comme à heure de tierce, trouva d’aventure un compaignon maçon, duquel elle ne scet le nom, mais se elle le veoit elle le cognoistroit bien, lequel exposoit en vente icellui hennap, duquel compaignon elle acheta icellui hennap la somme de vj s. parisis, & que pour ce que elle avoit afaire d’argent, revendi icellui le jeudi ensuivant audit frepier la somme de xiiij blans. Et dit que le hennap à li monstré en jugement est celui que elle acheta & par elle revendu audit frepier.
Dit avec ce sur ce requise que oudit mercredi, de relevée, elle beut en l’ostel d’icellui chappelier avec plusieurs compaignons & fillettes de son estat, ne scet se alors ledit hennap fu par aucuns d’eulx mal prins, mais quant est d’elle, le cas est tel que cogneu a cy-dessus, & ne sera jà autrement sceu ou prouvé contre elle, car elle est preude femme des mains.
Et, ce fait, fu fait venir en jugement sur lesdiz quarreaux Richart de Saint-Denis aagié de dix ans ou environ & demourant en l’ostel d’icelle Marion, lequel en la presence d’icelle Marion, qui ne se voult aucunement rapporter en ce qu’il depposeroit, dit & afferma par serement que, puis deux ans ença qu’il s’est commencié à cognoistre, il a esté en la ville de Paris en plusieurs lieux avec ladite Marion qui le menoit comme son varlet après li en plusieurs lieux dont il n’est record & a veu plusieurs & diverses fois que quant ladite Marion & lui estoient retournez en l’ostel d’icelle Marion, elle lui disoit comment elle avoit acheté puis une fois des escueles, l’autre des plaz, des pintes & chandeliers de cuyvre ; & lesquielx biens, un ou deux jours après, elle revendoit & disoit que elle n’avoit point d’argent pour leur gouvernement. Et est record il qui parle que puis la saint Jehan derrenierement passée icelle Marion mena il qui parle en une chambre appartenant à un des varlés ou serviteurs de mons. de Bourbon nommé Blancart, & ainsi comme icellui compaignon & Marion orent fait ensamble ce qu’ilz vouldrent, ledit compaignon dist à icelle Marion que elle l’attendist en sa chambre & qu’il aloit querre à desjeuner ; pendant lequel temps, il qui parle vit que ladite Marion saicha un petit coustel qui estoit en la gueygne d’un grant badelaire pendant sur le chevez dudit Blancart, duquel petit coustel icelle Marion coppa une petite chainete d’argent estant au bout de la sainture d’icellui Blancart, & ladite chaîne apporta avec soy au départir qu’ilz firent d’icelle chambre.
Et dit que depuis ce icellui compaignon, en la presence de lui qui parle, a demandé à ladite Marion ladite chainete d’argent, disant que se elle ne lui rendoit icelle, qu’il s’en plaindroit à justice ; ne scet comment ilz en ont depuis chevy [1] ensamble, mais il est record que ladite Marion lui a dit que icelle chainete d’argent elle a vendue, ne scet à qui ne quel somme d’argent.
Dit avec ce que, puis un an a, lui & ladite Marion estans près de la porte de Saint-Germain des Prez & lez l’ostel à l’arcevesque de Reins, icelle Marion dist à lui qu’il l’attendeist à l’uis d’une femme qui vent illec porées jusques ad ce que elle feust revenue d’un hostel qui estoit illec près ouquel elle aloit pour certaines besoignes que elle disoit y avoir à faire. Au retourner d’icellui hostel fait par ladite Marion & que elle ot appelle lui qui parle & en eulx en venant vers le Pont Neuf, icelle Marion lui monstra soubz son surcot un pot de cuivre à deux ances, lequel elle disoit avoir acheté en l’ostel où elle estoit alée, lequel pot icelle Marion a depuis ce vendu en sa presence ès hales la somme de huit sols parisis.
Dit oultre que, puis la saint Andrieu ença, lui & ladite Marion estans ensamble en la place du vielz cimetière Saint-Jehan au devant de l’ostel où pend l’enseigne de la Levriere, icelle Marion fist lui qui parle demourer sur la chaucée à l’uys & au dehors d’icellui hostel de la Levriere ; ouquel hostel elle entra & y fu par long temps, & quant elle vint au dehors d’icellui, dist à lui qui parle que oudit hostel elle n’avoit trouvé aucunes gens. Et dit que ce jour au soir qu’ilz furent en l’ostel d’icelle Marion, elle li dit que oudit jour elle avoit acheté unes patenostres & un chandelier de cuivre que elle li monstra, la somme de huit sols parisis ; & lesqueles patenostres, ensamble ledit chandelier, icelle Marion, en la presence de lui qui parle, a depuis ce vendu ès hales de Paris & en a receu un franc ou deux, n’est record lequel.
Et avec ce dit que, mercredi derrenierement passé, après ce que icelle Marion, plusieurs compaignons & filletes & aussi lui qui parle orent esté boire, de relevée, en une taverne qui est assez près de l’ostel de mons. de Bourbon au lez devers la rivière de Saine & qu’ilz furent retournez en leur hostel, icelle Marion li monstra un hennap de madre qui presentement a esté monstré audit deposant & lui dist que icellui elle avoit acheté la somme de vj s. parisis d’un compaignon maçon qui le portoit vendre devant Saint-Innocent, & lequel hennap le jeudi ensuivant il qui parle vit que ladite Marion le vendi ès hales à un frepier, ne scet quele somme d’argent elle en reçupt.
Dit aussi sur ce requis que continuelment il a acoustumé d’aler après ladite Marion en tous les lieux par où elle a alé & venu & aussi couchié là où ladite Marion a alé, venu & couchié, mais oncques jour de sa vie il ne li vit achater aucuns des choses dessus dites par lui devisées ne ne les vit aucunement estre en l’ostel d’icelle Marion par plus d’un ou de deux jours que elle les vendoit pour sa povreté, & que à très grant peine povoit elle avoir de quoy se gouverner.
Et pour savoir se en l’ostel de la Levriere ont esté perdues aucunes patenostres ou chandeliers de cuivre & clerifier la depposicion de Richart de Saint-Denis cy-devant escripte, par le commandement dudit mons. le prevost, fu presentement fait venir en jugement Jehan Binet aagié de xl ans ou environ hoste & demourant à l’enseigne de la Levriere ou vielz cimitiere Saint-Jehan, lequel juré en la presence d’icelle Marion, qui aucunement ne le voult croirre de ce qu’il deposeroit, dit & afferma par serement fait aus sains Euvangiles de Dieu qu’il est record que dimenche derrenierement passé ot xv jours, il vit icelle Marion boire en son hoslel avec plusieurs compaignons & filletes de vie, & que depuis ce que elles orent beu & païé leur escot & que les autres de sa compaignie se furent tous partiz de sondit hostel, icelle Marion fu par lonc temps en sondit hostel & ne s’en vouloit partir pour commandement qu’il lui feist, & tant que par grant ennuy il laissa icelle Marion en sondit hostel & s’en ala ouyr vespres ; & au retourner qu’il fist en sondit hostel, trouva de rechief ladite Marion en icellui hostel, duquel par force il la mit hors, & ce jour au soir ouy dire à sa femme que en une des aurmailles [2] de leur hostel estant ou bouge d’embas, l’en li avoit prins & osté unes patenostres d’ambre qui bien valoient xl s. par., & lesqueles elle avoit acoustumées de porter & aussi de mettre esdites aurmailles, & les y avoit mises oudit dimenche au matin au retour que fait avoit de ouyr la messe ; avec un chandelier de cuyvre qui estoit dedens lesdites aurmailles. Et deslors lui qui parle & sadite femme orent souspeçon contre ladite Marion que icelles elle n’eust mal prinses. Et, pour ce que, un jour ou deux enfuïant, icelle Marion vint boire en leur hostel & qu’il qui parle, le plus doulcement & amoureusement qu’il pot & sceut, pria ladite Marion que se elle avoit prinses lesdittes patenostres, vendues ou engaigées, que elle le deist & il les raimbroit voulentiers & li paieroit son vin, icelle Marion parla moult haultement & dist plusieurs parolles injurieuses à lui qui parle & à sa femme, &, qui plus est, fist icelle Marion adjourner lui qui parle en Chastellet en cas d’injures & villenies, &, au jour à lui assigné, il comparu en jugement & obtint contre icelle Marion comparuit.
Et, ce fait, après ce que ladite Marion ot de rechief juré aus sains Euvangiles de Dieu dire vérité des accusacions cy-dessus contre elle faites, dit & afferma par serement qu’il est vérité que aucunes fois & plusieurs elle a acheté aucuns biens comme pailes d’arain, escueles & plas d’estain, quant elle y veoit son acquest, & pour en faire son prouffit les a revendus ès hales. Et dit que vérité est que, passé a deux ans, elle avoit unes patenostres d’ambre, lesqueles elle a vendues puis la saint Andry ença pour besoing d’argent que elle avoit ; & quant ad ce que ledit Richart dit du pot de cuivre & aussi du hanap de madre, il n’en est riens que elle ait iceulx mal prins, mais les a achetez comme elle a acoustumé de faire pour son prouffit. Et pour ce que autre chose ne voult cognoistre, su fait mettre à part sur les quarreaux.
Et, en après ce, par la deliberacion des conseilliers assistens, veu l’estat & vie dissolue d’icelle Marion, les accusacions d’iceulx Jehan Binet, Richart de Saint-Denis & Mahiet Thorion, ce que icelle prisonniere fu & a esté trouvée saisie dudit hennap de madre, le mauvais gouvernement d’icelle Marion, les confessions, variacions & denegacions faites par icelle Marion, dit fu qu’il y avoit cause assez pour savoir par sa bouche & par voie extraordinaire la vérité desdites accusacions & aussi d’aucuns autres crimes & deliz par elle faiz & commiz, & ad ce fu condempnée par ledit mons. le prevost.
En enterinant lequel jugement, icelle Marion prisonniere fu faite venir en jugement sur lesdiz quarreaux, & par ledit mons. le prevost li fu dit que des accusacions dessus dites elle deist vérité autrement que fait n’avoit & que, se elle ne le disoit, que par sa bouche & voie de question l’en li feroit dire. Lesqueles parolles ouyes par icelle prisonniere, elle dist que elle estoit bonne preude femme & ne savoit que l’en li vouloit faire. Et, pour ce, dist que des griefs & extorcions à li fais & afin que autrement l’en ne procédast contre elle, icelle prisonniere appelloit & appella en parlement. Pour laquele appellacion, fu par ledit mons. le prevost ieursis de procéder plus avant contre ladite prisonniere, & en cest estat fufait remettre en la prison de laquelle elle avoit esté attainte.
Le mercredi iije jour de janvier, l’an dessus dit, furent presens en jugement sur les quarreaux dudit Chastellet honorables hommes & saiges maistres Jehan du Drac & Guillaume Porel, conseilliers du roy nostre sire en Parlement, maistre Jehan de Cessieres, notaire dudit seigneur & greffier criminel dudit parlement, lesquieulx, après ce qu’ilz orent ouyes les causes pour lesqueles Marion de La Court prisonniere cy-dessus nommée avoit appellé dudit mons. le prevost, distrent & rapportèrent en la presence dudit mons. le prevost, de maistres Jehan Truquan, lieutenant dudit mons. le prevost, Dreue d’Ars, auditeur, Andrieu Le Preux, procureur du roy nostre sire oudit Chastellet, Nicolas Chaon & Jehan Fouquere, examinateurs oudit Chastellet, que du commandement de bouche à eulx fait & ordonnance de la court de parlement ilz estoient venuz ouyr les causes d’appel d’icelle prisonniere. Et lesqueles causes ouyes, ilz par l’ordonnance & congié d’icelle court distrent & ordonnèrent que par ledit mons. le prevost feust procédé à l’encontre d’icelle prisonniere, ainsi comme il verra que bon fera, non obstant l’appellacion faite par ladite prisonniere. Et neantmoins, veues les confessions, variacions & denegacions faites par ladite prisonniere sur les accusacions dessus dictes qui ne sont fors un ny seulement, la depposicion des seigneurs de la Levriere & Richart dessus diz & escrips & l’affirmacion par eulx faite sur ce, délibérèrent & furent d’oppinion, attendu la petite vie & gouvernement d’icelle prisonniere, qu’il y avoit cause assez bonne & convenable pour savoir par sa bouche la vérité des accusacions cy-dessus dites & par voie de question, se autrement ne le vouloit dire. Ouyes lesqueles oppinions & veu ce present procès, ledit mons. le prevost condempna ad ce ladite prisonniere en son absence.
Pour entériner lequel jugement, le jeudi iiije jour de janvier, l’an dessus dit, par devant mons. le prevost, presens messire Baude de Vauvillier, chevalier du guet, maistres Jehan Truquan, lieutenant dudit mons. le prevost, Dreue d’Ars, auditeur, Andrieu Le Preux, procureur du roy nostre sire, Ernoul de Villiers, Nicolas Chaon, Hutin de Ruit, Gieffroy Le Goybe & Jehan Fouquere, examinateurs, fu faite venir & attainte en jugement sur les quarreaux dudit Chastellet Marion de La Court, prisonniere dessus nommée, à laquelle par ledit mons. le prevost fu dit que desdites accusacions elle deist la vérité autrement que fait n’avoit, ou autrement il le li feroit dire par sa bouche & par voie de question. Laquele prisonniere dist que elle ne sauroit autre chose confesser que dit a cy-dessus & ne savoit que l’en li vouloit faire & que l’en gardast bien comment l’en toucheroit à sa personne, car elle estoit grosse d’enffant. Et, pour ce, fu par ledit mons. le prevost seursis de plus avant procéder contre elle quant à present & icelle fait remettre en la prison de laquelle elle avoit esté attainte & commandé que l’en feist icelle visiter par les matrosnes jurées, afin de savoir, leur rapport ouy, par quel manière l’en procederoit contre li.
Ouquel jour, de relevée, rapportèrent Agace La Françoise & Jehanne La Riquedonne, matrosnes jurées du roy nostre sire oudit Chastellet, qu’elles ont veue & diligenment visitée à grant diligence Marion de La Court, prisonniere dessus nommée, tastée & mesniée à nu au mieulx que elles ont peu & sceu, & ne tiennent en elle aucun ligne parquoy elles peussent & osassent tesmoignier que elle soit grosse d’enfant, car elle est moult plate de ventre, &, veu l’esmouvance d’elle qui se débat en la visitant & regardant son ventre, tiennent & croient en leurs consciences que elle ne soit aucunement grosse ou enchargée d’efant.
En l’an dessus dit, le lundi viij jour de janvier, par devant mons. le prévost, presens maistres Dreue d’Ars, lieutenant dudit mons. le prévoit, Miles de Rouvroy, Ernoul de Villiers & Jehan Fouquere, examinateurs, fu faite venir & attainte en jugement sur lesdiz quarreaux Marion de La Court, prisonniere dessus nommée, à laquele fu dit que des accusacions contre elle proposées elle deist vérité, ou l’en li feroit dire par sa bouche & feroit mise à question. Et, pour ce que autre chose que dit à cy-devant ne voult congnoistre, en entérinant le jugement interlocutoire cy-dessus contre elle donné, ladite prisonniere fu faite despouillier toute nue, mise, liée & estendue à la question sur le petit tresteau & en après sur le grant, ouquel lieu & hors d’icelle question ladite prisonniere cogneut & afferma par serement avoir fait prendre de son commandement, à son sceu & en sa presence par ledit Richart, son varlet, les hennap de madre, patenostres d’ambre & chandelier de cuivre, pot de cuivre & chainete d’argent dont cy-dessus est faite mencion & iceulx biens par elle avoir venduz & l’argent appliqué à son usaige & prouffit. Et, ce fait, ladite prisonniere fu faite remettre en la prison, de laquelle elle avoit esté attainte.
Ensuiant le mardi ix jour dudit mois de janvier, l’an dessus dit, par devant mons. le prévost, lui estant en jugement sur les quarreaux dudit Chastellet, presens maistres Jehan Truquan, lieutenant dudit mons. le prevost, Dreux d’Ars, auditeur, Andrieu Le Preux, procureur du roy nostre sire oudit Chastellet, Hutin de Ruit & Jehan Fouquere, examinateurs de par le roy nostre dit seigneur oudit Chastellet, fu present Thomas Le Chevalier, lequel presenta audit mons. le prevost certaine supplicacion contenant ceste fourme.
A mons. le prevost ou à son lieutenant. Supplie humblement en pitié Thomas Chevalier povres homs & anxiens de l’aage de lxx ans ou environ, comme jà pieçà ledit suppliant eust loué une chambre à Marion de La Court ; autrement dite Lefragée, laquelle se disoit estre mariée à son ami, laquelle Marion a prins & emportez du povre suppliant plusieurs biens ; c*est assavoir un baçin à barbier, un pot de cuivre tenant iiij pintes, une grant paelle tenant iiij séaux ou environ, un grant plat d’estain, un grant pot de cuivre tenant huit pintes, une grant broche de fer, desqueles choses elle ou ses complices ont vendu une partie & l’autre engaigiée sanz le congiè & sceu du povre suppliant, il vous plaise, très-redoubté sire, pour pitié & aumosne interroguer sur ce ladite Marion qui est prisonniere ou Chastelet pour autre cas, pour estre par vous sur ce pourveu audit suppliant de tel remède comme vostre saige & bonne discrecion le saura bien faire, & vous ferés bien l’aumosne.
Et afferma le contenu en icelle supplicacion estre vray & que partie des biens desclairés en ladite supplicacion il a trouvez en la possession de Jehan Le Flament, chauderonnier, & Jehan de Hollande, cousturier, demourans en la rue Saint-Martin à Paris. Et, ce fait, fu faitte venir & attainte en jugement ladite Marion Du Pont [sic] prisonniere, laquelle & par serement nya oncques avoir prins des biens d’icellui Chevalier aucune chose, jà soit ce que elle soit demourant en ses louages & près de lui. Et pour ce que autre chose ne voult cognoistre & que en sa presence icellui Jehan Le Flament cogneut avoir acheté de ladite prisonniere un pot, l’avoir despecié avec un chandelier de cuivre la somme de ix s. parisis, & aussi ledit de Hoîlande avoir acheté de ladite Marion une poile d’arain la somme de neuf sols parisis, qui avoient esté mandez & fais venir en jugement pour depposer des choses dessus dites vérité ; par l’advis & délibération d’iceulx conseilliers ladite Marion fu faite despouillier toute nue, mise, liée & estendue à question sur le petit tresteau & avant ce que l’en jettast point d’eaue sur elle, requist instanment que l’en la meist jus & elle diroit sur tout ce vérité. Et, pour ce, fu mise hors de ladite question, menée chauffer en la cuisine en la manière acoustumée & en après ramené en jugement sur lesdiz quarreaux, ouquel lieu hors de toute question & sanz aucune force ou contrainte, après ce que ladite prisonniere ot juré aus sains Euvangiles de Dieu que elle diroit vérité desdites accusacions & autres crimes & larrecins par li faiz :
Et dist et afferma par serement pour vérité, en soy corrigant des autres confeslions par li faites & non obstant quelques negacions ou confessions que faites a, que le mercredi précèdent de son emprisonnement elle qui parle & ledit Richart, son varlet, estans sur les quaiz de la rivière de Saine assez près de l’ostel de mons. de Bourbon, vit & apperceut un hostel ouvert, ouquel avoit à l’uis un petit ensant seulement ; &, pour ce, ala oudit hostel &, elle estant en icellui, vit que sur la tablete qui estoit en icellui hostel au devant du feu avoit un hanap de madre, lequel elle print & emporta & le jeudi ensuivant vendi icellui ès hales de Paris au freppier dessus nommé la somme de vj s. par. Et dit que c’est le hanap de madre pour lequel elle a esté emprisonnée.
Cogneut aussi que, un mois a ou environ , autrement du temps n’est recorde, ainsi comme elle ot esté par long temps en l’ostel de la Levriere assis ou vielz cimitiere Saint-Jehan & beu en icellui hostel en attendant un compaignon qui li avoit dit qu’il venroit illec parler à li, par ledit Richart son varlet li fu dit & enseigné que, en la despence dudit hostel, laquelle estoit ouverte, il avoit veu unes belles patenoltres, en laquelle despence elle qui parle ala, & d’icelle en apporta lesdites patenostres, ensamble un petit chandelier de cuyvre, lesqueles patenostres elle vendi ès hales de Paris, viij jours après ou environ, la somme de xvj s., & ledit chandelier vendi samblablement xvj d.
Cogneut oultre que, un mois avant Noël derrenierement passé ou environ, ainsi comme elle, à la requeste d’un moine de Presmonstré nommé Poulain, elle avoit esté menée oultre les pons en l’ostel de Presmonstré et illec fait à lui & à plusieurs autres religieux dudit hostel leur plaisir & voulenté de son corps, & que ledit Poulain l’ot laissiée seule en une chambre par l’espace de ij à iij heures sanz ce qu’il retournast devers elle ne li apportait que manger ne que boire, veant que en la chambre là où elle estoit avoit un pot de cuivre, & de l’eschinée de lart, print d’icelle eschinée une pièce, la mist dedens ledit pot de cuivre, &, ce fait, print & emporta avec soy lesdiz pot & eschinée en son hostel, sanz le sceu ou congié dudit Poulain, & ycellui pot vendi en la rue Saint-Martin la somme de ix sols parisis ou environ.
Item congneut, au temps que elle fu en la chambre de Blanquart dessus nommé, avoir trouvé enmi ladicte chambre une petite chainete d’argent & ycelle avoir prise & emportée & vendue à son prouffit la somme de xvj d. par.
Item congneut que, par plusieurs foiz & diverses journées, elle par un pertuis estant au dessus de son lit ayant regart en la chambre de Thomas Chevalier dessus nommé, a fait passer & descendre en la chambre dudit Chevalier ledit Richart, son varlet, lequel de son commandement li venoit ouvrir l’uys d’icelle chambre en laquelle elle a prins à diverses heures & journées & l’une après l’autre les biens qui enfuient, c’est assavoir à une foiz coppé trois quartiers de drap pers que elle eschanga à autre drap ès hales pour avoir le chaperon de brunette que elle a affublé.
Item un bacin à barbier par elle vendu viij blans, un pot de cuivre vendu vj blans, un plat d’estain par elle eschangié à une pinte d’estain quarrée, une broche de fer vendue vj blans. Et, avec ce, que quant la femme dudit Chevalier li bailla pour escurer une grant paile d’arain, elle mist ycelle & bailla en gaige pour ix sols à Jehan de Hollande cousturier dessus nommé, & tous yceulz biens avoir prins en la chambre dudit Chevalier puis la Saint Jehan derrenierement passée.
Item congneut avoir mal prins, puis xv jours ença, en une taverne au fossé Saint-Germain à Paris où elle buvoit, un mantel court sangle à usage d’omme, de drap pers, avec un chandelier de cuivre, & lequel mantel elle vendi vj s. à un frepier demourant en Trousse-Vache & ledit chandelier vendu xvj d. à cellui frepier auquel elle a vendu le hennap de madre dessus dit.
Item avoir prins, environ la Saint Rémi, en l’ostel d’un prestre demourant en la rue de Bievre, avec lequel avoit esté par deux jours, au partement que elle fist dudit hostel, un chandelier de cuivre vendu ès hales xvj d., ne scet à qui.
Item congneut avoir prins, puis un mois ença, en la chambre du nepveu maistre Hugues Le Grant, & avec lequel nepveu elle avoit jeu, deux envelopes de toile par elle vendues, n’est recorde quelle somme d’argent ne à quele personne. Et, avec ce, un mois a, elle estant ès hales & Champeaux de Paris avoir mal prins six coiffes de toile par elle vendues chascune viij d. par., &, environ ycelui temps, avoir prins esdiz Champeaux une bourse de velueau blanc par elle depuis ce donnée à un escolier dont elle ne scet le nom, avec lequel elle avoit couchié, & aussi avoir mal prins esdites hales, environ ycellui temps, une petite touaille par elle vendue xvj d., & laquele elle print soubz umbre de ce que elle barguignoit des draps à lit pour acheter.
Item congneut oultre que elle & Perrin Guiot, son ami, estans en la ville de Martainville-lez-Rouen, en leur compaignie ledit Richart, son varlet, environ la Saint Rémi derrenierement passée ot un an, & buvans en une taverne ensemble, au partir qu’ilz firent d’icelle taverne, sondit ami & elle d’un commun assentement prindrent un hennap de madre, l’emporterent & ycellui vendirent en ladite ville de Rouen viij blans, lesquelz sondit ami ot à son proufit.
Dit avec ce que en ycelui temps que elle coucha avec un carme de ladite ville de Rouen, au partir qu’elle fist de sadite chambre, elle mal print une grant nape de table, laquele elle vendi en ladite ville de Rouen vj sols par. ; &, oultre ce, en ycellui temps avoir prins ès hales de Rouen une paire de solers pour son usage. Et dit par son serement que ce sont toutes les larrecins que elle fist oncques, & que icelles elle a faittes pour le gouvernement de sondit ami qui ne la laissoit vivre ne durer & la batoit toutes & quantes fois qu’il venoit devers elle & ne lui bailloit point d’argent, & que quant elle lui bailloit de l’argent, il lui faisoit très bonne chiere ; & atant ladite Marion fu fait remettre en la prison de laquele elle avoit elle attainte.
Le mercredi ensuïant, xe jour dudit mois de janvier, en jugement sur les quarreaux dudit Chastellet, par devant maistre Jehan Truquan, lieutenant dudit mons. le prevost, presens maistres Dreue d’Ars, auditeur, Jehan de Tuillieres, Ernoul de Villiers, Gieffroy Le Goybe & Jehan Fouquere, examinateurs, fu faitte venir & attainte des prisons dudit Chastellet Marion de La Court, prisonniere dessus nommée. Laquele & par serement fait aus sains Euvangiles de Dieu, sanz aucune force ou contrainte continua & persevera ès confessions cy-dessus escriptes par elle autrefoiz faittes & lesqueles li furent leues mot après autre, & y celles congneut avoir faittes en & par la manière que elles sont escriptes ; & atant, sanz autrement contre elle procéder, ladite prisonniere fu faitte remettre en la prison de laquele elle avoit esté attainte.
En l’an dessus dit, le samedi ensuïant, xxe jour de janvier, mons. le prevost estant en jugement sur les quarreaux du Chastellet & en la presence de honorables hommes & saiges maistres Jehan Truquan, lieutenant dudit mons. le prevost ; Guillaume Drouart, lieutenant semblablement ; Andrieu Le Preux, procureur du roy nostre sire oudit Chastellet ; Michiel Marchant, Denis de Bausmes, advocas illec ; Jehan de Tuillieres, Girart de La Haye, Ernoul de Villers, Robert de Tuillieres, Nicolas Chaon, Hutin de Ruit & Jehan Fouquere, examinateurs, &c. fu veu & leu mot après l’autre ce present procès & par l’advis & oppinion d’iceulz, consideré le vil estat, vie dissolue & gouvernement d’icelle Marion, prisonniere, la multiplicacion & reiteracions des larrecins par elle fais & commis à plusieurs & diverses fois de fait & aguet appensé, le grant nombre & valeur d’icelles, la traïson par elle faitte & commise en desrobant les personnes en quelle compaignie elle avoit esté en leurs hostels & domiciles, délibéré fu que l’en ne le povoit espargnier que comme larrenesse elle ne feust exécutée, c’est assavoir : enfouye toute vive, & que elle l’avoit bien gaignié & deservi. Ouyes lesqueles oppinions & veu ce present procès, ledit mons. le prevost condempna à ce ladite Marion & en son absence.
Ouquel samedi, xxe jour de janvier, l’an dessus dit mil ccc iiijxx et onze, fu ycelle Marion de La Court, prisonniere dessus nommée, menée à son derrenier tourment à la justice du roy nostre sire à Paris, & illec, en la presence de Aleaume Cachemarée, clerc criminel dudit mons. le prevost commis à faire exécuter, entériner & acomplir ledit jugement & de François Dargies, Jehan Le Forestier, Guillemin Le Fevre, sergens à cheval, Jehan Raimbot, Hennequin Merquenroye, Regnaut de La Porte, Besançon Climent & autres assistens tant sergens à cheval comme à verge du roy nostre sire ou Chastellet de Paris, elle estant auprès de la fosse ordennée à le enterrer & sur le point que l’en lui vouloit mettre, congneut & afferma par serement les confessions cy-dessus escriptes par lui autrefoiz faites estre vrayes & en ycelles continua & persevera. Et, oultre ce, & en augmentant ycelles confessions & pour vérité & afin de descharger son ame & que plus seurement & en grant conscience & repentence de ses péchiez, crimes & larrecins par li saiz elle puist & ait cause de recevoir la mort en plus grant contriccion, congneut & confessa avoir fait les larrecins cy-après déclamées à plusieurs & diverses foiz & ycelles sait faire en sa presence à son sceu & commandement par Richart son filz ou nourry dessus nommé & puis iij ans ença en la fourme & manière qui s’ensuit, c’est assavoir : ès hales de Paris unes manches de drap marbré, par elle vendues iij s.
Item, en l’ostel maistre Marcal Saumur près de Sainte-Croix en la Cité, au temps que elle coucha une nuyt en son hostel & en sa compaignie, une petite sainture d’argent vendue, ne scet à quele personne, xij s.
Item, en l’ostel d’un potier d’estain demourant assez près de l’ostel maistre Jehan Truquan, en barguignant des escuelles, avoir prins une pinte quarrée, environ vj sepmaines avant son emprisonnement , laquele est en l’ostel ou louage de Thomas Chevalier dessus nommé.
Item, environ un mois avant son emprisonnement, avoir prins en l’ostel d’une lavendiere nommée Maline une chemise à usage de femme que elle a usée, avec iiij escuelles d’estain vendues iiij s.
Item, en l’ostel dudit Thomas , avoir prins de la laine filée vendue x d.
Item, en l’ostel de la Lanterne près de la porte Saint-Honoré, avoir prins deux queuvrechiez & deux touailles vendues à l’enseigne de la Cloche près de ladite porte Saint-Honoré iiij s.
Item, en l’ostel de maistre Jehan Filleul, maçon, avoir prins un coulteau à viroles d’argent & un chandelier de cuivre vendus à un frepier nommé Quatre-en-Vault demourant devant Saint-Merry iiij s.
Item, en l’ostel d’icellui Thomas Chevalier, uns pignes de fer à pigner laine vendus audit Quatre-en-Vault iiij s.
Item à Rouen pour son user une paire de solers ès hales dudit lieu & à une autre foiz ès hales de Paris pour son user deux paires de solers.
Item, es Champeaux de Paris, deux treseaux [3] de soye vert venduz xiij blans.
Item, en la mercerie du Palais, avoir prins deux doitiers [4] esquelz avoit en chascun dix anneaux d’argent dorez par elle venduz chascun l’un par l’autre & à plusieurs personnes xvj d. par.
Item en un certain jour que un nommé maistre Hugues de Colombe demourant derrière Saint-Andrieu-des-Ars ot eu afaire & compaignie charnele à lui en un sien jardin & qu’il ot mis à terre un signet d’or [5] estant en son doy & qu’il se fu trait en arrière, elle print ycellui signet, lequel elle vendi à un nommé Perrin Morel, changeur, la somme de xxij s. par.
Item, ainsi comme un compaignon ot compaignie charnele à elle en l’ostel de l’Angle devant Saint-Germain-l’Aucerrois, avoir prins deux frans en or estans en sa tasse.
Item samblablement avoir prins en la tasse d’un nommé Jehan de Lannoy qui estoit avec elle & en sa compaignie, un signet d’argent par elle vendu iiij s. par. à un change estant à Saint-Lorens.
Item avoir prins au coing de la rue aus Oës en l’ostel d’un espicier un chandelier de cuivre par elle vendu xij d.
Item avoir prins en l’ostel d’un nommé Jehan de Latour demourant à l’Ours & au Lyon en la rue Michiel-le-Conte un hennap de madre par elle vendu iiij s.
Item en l’ostel d’un de nosseigneurs de parlement demourant au dessus & près de l’ostel dudit mons. le prevost, avoir prins un chaperon doublé de drap pers appartenant à un sien clerc nommé Jehannin, par elle vendu iiij s.
Item, aus Carmes à Rouen, au partir que elle fist de la chambre d’un carme avec lequel elle avoit couchié, deux draps de lit par elle vendus en ladite ville de Rouen vj s. par.
Item avoir prins & fait prendre à plusieurs & diverses foiz & journées par ledit Richart, tant de jour comme de nuit, & fait prendre plusieurs poules, poussins, oisons, canars, poisson de mer & teles menues choses à la porte de Paris & ès hales, sans en païer denier ne maille.
Item semblablement avoir pris en l’ostel de la Statue devant la maison mons. le conte d’Eu, une pinte d’estain par elle mis en gaiges en l’ostel d’un chaussetier nommé Mesnil demourant à Petit-Pont en lieu d’unes chausses vermeilles par elle achetées illec pour son ami, & que durant ce que elle marchandoit ycelles chausses, ledit Richart print une paire de chausses de drap noir à usage de femme, lesqueles elle a appliquié à son proufit.
Item que nagueres & avant son emprisonnement, ainsi comme elle se chaussoit en l’ostel d’un nommé Perrin Tueret, ledit Richart, à son sceu & en sa presence, print uns solers lesquelz ledit Richart a de present chaussiez.
Item avoir prins à une lingiere sur Grant-Pont iij brayes de lin par elle vendues iiij s.
Item que, nagueres, elle estant en l’ostel d’une femme demourant devant Saint-Estienne-des-Grez & ouquel lieu elle attendoit un compaignon qui illec l’avoit mis en attendant qu’il la venist querre pour couchier avec elle, comme promis l’avoit, fu prins par ledit Richart, à son sceu & de son consentement, deux queuvrechiex par elle venduz v s.
Item, sur Grant-Pont, en barguignant une sainture d’argent que elle vouloit ou faignoit acheter, print illec xij boutons d’argent que elle a venduz iiij s. à un mercier demourant au Palaiz dont elle ne scet le nom.
Item, en la ville de Rouen, que un compaignon de ville vint soy esbattre avec elle en la rue Pendant où elle estoit lors demourant & par l’ennortement d’une fille de vie nommée Perrete, elle qui parle print en la tasse d’icellui compaignon, ainsi comme il estoit sur elle, j franc en or & vj sols en menue monnoie, lequel argent elles despendirent ensemble.
Item semblablement avoir prins en la chambre dudit Thomas Chevalier deux draps de lit qui sont en sa chambre dont l’un est meilleur que l’autre.
Item, avec ce, avoir prins en la tasse d’un marchant de pourceaulz qui ot compaignie charnele à elle, durant le temps qu’il estoit sur elle, une grant pièce d’or dont elle ot sur le pont de Paris & aus changes ij frans.
Item avoir prins en l’ostel d’un chauderonnier demourant en la rue Saint-Martin, en achetant ou feignant acheter une paile d’arain, une petite paile menue vendue en ycelle rue xiij blans, ne scet à qui.
Et atant fina ses derreniers jours, & fu ledit jugement contre elle donné exécuté.
Et n’savoit aucuns biens soubz le roy.
Al. Cachemarée.
Registre criminel du Châtelet de Paris du 6 septembre 1389 au 18 mai 1392 - Tome 2 - Date d’édition 1861-1864