Sur les enseignes – 1880

Sur les enseignes - 1880
Elles disparaissent, et cependant elles ont beaucoup récréé nos pères et fait la fortune d’un grand nombre de commerçants. Il y a à peine un siècle, il n’était pas rare de trouver dans une enseigne un bon mot, un rébus, une pointe, une épigramme. On a conservé le souvenir de ces rébus-enseignes : A la Roupie ( une roue et une pie) ; A l’Assurance (un A au-dessus d’une anse) ; Au Puissant Vin (un puits sans vin) ; Au Bout du Monde (un globe terrestre sur un bouc) ; Au Bon Coing (enseigne de marchand de vin ; il y en a encore quelques-unes) ; A l’Epi Scié (aux boutiques d’épicerie) ; Au Saint-Jean-Baptiste (enseigne du marchand de toile, représentant un singe avec un col et des manchettes en batiste) ; Vieille enseigne sur un mur du bd de Charonne Et puis les enseignes inspirées par les événements — et peut-être comme protestation. On attribue la Truie qui file à cet événement : « En 1466, dit M. Amédée de Ponthieu, un pauvre diable de charlatan, nommé Grillet Saulard, donnait chaque jour, sur la place de Grève, deux représentations qui attiraient tout le populaire de Paris. Il avait dressé une truie à s’asseoir sur son derrière, à tenir une quenouille d’un pied et à manier un fuseau de l’autre. Assurément un pareil tour d’adresse ne pouvait être que l’œuvre du démon, sans l’intervention duquel l’homme le plus patient et le plus habile n’en serait jamais venu à bout. Aussi les juges de la prévôté de Paris le condamnèrent-ils à être brûlé vif, avec sa truie, en place de Grève, lieu ordinaire de ses représentations diaboliques, ce qui fut exécuté incontinent. » Entrée du Musée de Cluny, "La Truie qui file" Pierre Larousse nous donne des enseignes plus modernes, mais non moins curieuses : Une corsetière a fait dessiner sur son enseigne un corset au-dessous duquel on lit ces mots : « Je soutiens les faibles, je comprime les forts, je ramène les égarés. » Une marchande de poissons prit pour enseigne un merlan dans un soulier, avec ces mots : A la Marée Chaussée. Après la révolution de 1848, un marchand de tabac avait fait peindre ces trois mots : Liberté. — Égalité. — Fraternité. Une énorme blague à tabac resplendissait sous chacun de ces mots, et dessous on pouvait lire : Aux trois blagues Vieille enseigne à l’ours rue du faugourg St Antoine n° 95 Un cordonnier, appelé Nique, avait pris pour enseigne un magnifique bouquet composé de fleurs et de plantes ; il avait fait écrire au-dessous : Aux amateurs de la botte à Nique. Le pâtissier Leroy, sous -le règne de Louis-Philippe, avait écrit au-dessus de sa boutique : Leroy fait des brioches. A l’avènement de Louis XVI, un restaurateur prit pour enseigne : la Poule au pot ; au-dessous on lisait : Enfin la poule au pot sera-t-elle bientôt mise ? On doit le présumer ; Car depuis deux cents ans qu’on nous l’avait promise, On n’a cessé de la plumer. Louis Loire (1815-18..) - Anecdotes parisiennes. Aventures, excentricités, joyeusetés, bons mots des salons, de la rue et du boulevard, recueillis par Louis Loire - 1880